L’addiction produite par l’IA est la deuxième rupture. Comme elle a besoin de beaucoup de données pour apprendre, les géants du numérique rendent leurs applicatifs addictifs, ce qui leur permet de récupérer les montagnes d’informations nécessaires. Cette boucle s’auto-alimente : la manipulation addictive de notre cerveau accélère l’efficacité des IA. Une IA dotée de bon sens se satisferait de quelques exemples pour apprendre, comme le fait un bébé, et n’aurait pas besoin que nos enfants soient drogués aux réseaux sociaux. Plus une IA est bête, plus elle a besoin de données, plus notre addiction lui est nécessaire. Le plus grand problème de l’Europe est bien cette bêtise de l’IA puisque notre continent ne possède pas les gigantesques bases de données indispensables pour l’éduquer.
Depuis l’invention du transistor électronique en 1947, nous sommes devenus de plus en plus dépendants de la technologie.
Le développement de la réalité virtuelle va accentuer cette immersion dans un monde irréel et magique qui deviendra une drogue ultra-addictive. « Nous nous fixons un objectif : nous voulons attirer un milliard de personnes vers la réalité virtuelle », a déclaré Mark Zuckerberg président de Facebook à l’occasion de la présentation de son nouveau casque « Oculus Connect ». Les IA associées à la réalité virtuelle pourront nous dire à tout moment ce qui est bon pour notre santé, ce qui maximisera notre jouissance et nous indiquer ce que nous devons faire. Nous ferons tellement confiance à ces algorithmes que nous leur déléguerons la décision.
Le principe même de la démocratie, permettre au peuple de prendre les décisions allant dans le sens de ses préférences, n’aura plus d’objet. Harari a même affirmé que nos données vont alimenter le fascisme.
L’État-providence devra aussi décider s’il veut laisser libre cours aux addictions numériques massives, qui risquent de transformer une partie de la population en légumes branchés sur la réalité virtuelle, ou bien assumer de réguler les addictions. La frontière entre l’illusion et la réalité va devenir de plus en plus floue. L’IA permet de créer des environnements capables dans quelques années de tromper intégralement tous nos sens. Par ailleurs, l’augmentation des sens disponibles entraîne des phénomènes de saturation cognitive que l’on avait mal envisagés. Demain, le branchement à la réalité virtuelle sera peut-être aussi taxé et encadré que le tabac. Les salles de shoot numérique seront contrôlées par l’État. On tirera les gens de force dans la réalité en leur imposant des stages de déconnexion dans la nature à intervalle régulier.
Laurent Alexandre, La guerre des intelligences à l'heure de ChatGPT, JC Lattès.
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